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Bienvenue, cher lecteur et chères lectrice, sur la newsletter de SPEAK EASY cru 2024.
Pour cette nouvelle année, nous avons changé le format en se focalisant sur des thématiques spécifiques qui seront déployées au fil de chaque épisode.
L’objectif reste le même : amener le ou la lectrice à s’interroger.
Chaque épisode sera mensuel et indépendant l’un de l’autre.
Toutefois, les épisodes se suivent dans un ordre réfléchi car certains se recoupent nécessairement ; à chacun.e de se créer sa cohérence par rapport à ce qui fait écho en lui ou elle.
Si vous avez raté le dernier épisode ; il est juste ici.
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Bonne lecture !
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L’héritage de Boris Cyrulnik
Il est impossible de parler de résilience sans évoquer Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et psychanalyste français, dont les travaux1 ont profondément influencé notre compréhension du concept.
Cyrulnik, lui-même survivant de la Shoah, a consacré sa vie à étudier comment les individus peuvent se relever des traumatismes les plus sévères. Pour lui, la résilience n'est pas un trait inné mais une compétence que l'on peut développer tout au long de la vie.
Selon Cyrulnik, cette dernière repose sur plusieurs piliers :
le soutien social
la capacité à donner du sens à l'expérience traumatique
la possibilité de s'engager dans des activités créatives ou artistiques
En utilisant ces moyens, les individus peuvent non seulement se rétablir, mais aussi découvrir des aspects insoupçonnés de leur propre force intérieure.
Ainsi, plutôt que d’envisager la résilience comme une simple réaction à l'adversité, pourquoi ne pas la percevoir sous un angle plus créatif ?
La résilience ne serait-elle pas finalement un art de la transformation ?
Dans cette perspective, chaque épreuve vécue devient une toile vierge sur laquelle nous pouvons peindre une nouvelle réalité et lui donner le sens que l’on désire.
Croissance post-traumatique
La résilience n’est donc pas seulement une faculté à se relever d’échecs. Elle est bien plus riche car source d’externalités positives.
« D’essayé. De raté. N’importe. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. » Samuel Beckett
Sa richesse provient de l’énergie déployée après chaque difficulté rencontrée.
La nature a horreur du vide ; or la résilience est cette puissance créatrice qui offre à chaque individu, qui la cultive, un développement.
Elle agit comme un processus actif et créatif de transformation personnelle et de croissance post-traumatique.
Mais qu’est-ce que la croissance post-traumatique ?
L’ensemble des facteurs qui participe l’épanouissement personnel de l’individu suite aux défis rencontrés.
Il s’agit régulièrement de changements radicaux (comportements, pensées, émotions, valeurs…) entrainant une amélioration dans les rapports et interactions humaines.
Neuro-plasiticité
La science confirme d’ailleurs cette faculté transformatrice de la résilience.
Les études ont démontré que le cerveau et les zones qui le composent jouissent d’une grande plasticité.
Or, la neuro-plasticité affirme que la résilience peut physiquement transformer le cerveau.
Concrètement, la résilience peut agir comme une sorte de catharsis naturelle. Elle nettoie les émotions négatives en réduisant la charge émotionnelle liée su souvenir.
Ainsi, elle renforce les réseaux neuronaux associés à la gestion du stress et à la régulation émotionnelle.
Psychologie positive
La résilience est le fondement de la psychologie positive, introduite par Martin Seligman dans les années 1980.
Or, la psychologie positive souligne également que les personnes qui persévèrent face à l’adversité utilisent des stratégies neuronales de pensées optimistes pour ré-encoder leurs expériences négatives en opportunités de croissance.
Récit narratif
Ces opportunités de croissance dépendent tout de même des capacités narratives de chacun face à leur propre histoire personnelle.
La manière dont nous racontons nos récits intimes joue un rôle crucial dans la possibilité de triompher de nos épreuves.
Des recherches en psychologie narrative montrent que les individus qui arrivent à re-structurer leurs expériences traumatiques en récits de croissance et de résilience sont souvent mieux équipés pour gérer leurs angoisses et névroses futures.
Par exemple, une étude de Pennebaker (1997)2 a démontré que l'écriture expressive, où les individus racontent leurs expériences stressantes ou traumatiques mènent à une meilleure santé mentale et physique
Quête de sens
Une recherche menée par Penn State University3 a révélé que les individus participant à des ateliers de théâtre thérapeutique montraient une amélioration significative de leur bien-être émotionnel et de leur capacité à gérer le stress.
La manifestation artistique couplé aux facultés de résilience offrent, à tous ceux qui l’expérimentent, l’opportunité de donner du sens au réel.
Aux éléments extérieurs que nous vivons voire subissons.
La résilience transforme la perception factuelle de la souffrance et l’amène vers quelque chose de plus spirituel, de plus noble et beau.
Cette transformation propose dès lors de réfléchir à un sens plus profond à ce qui nous arrive (Kabat-Zinn, 2003). 4
Merci d’avoir lu cette newsletter jusqu’au bout !
A bientôt pour un prochain épisode :)
LA RESSOURCE DU MOIS
Zoom sur le film “Frères”, d’Olivier Casas avec Yvan Attal et Mathieu Kassovitz :
Évoquer le film “Frères” est une excellente manière de clôturer cet épisode tant il met en scène le concept de résilience (même si ce n’est pas le sujet principal).
Deux garçons délaissés par leur mère s’enfuient d’un pensionnat qui rime trop avec orphelinat.
La fugue, censée être provisoire, dure des années : des années de vie sauvage dans la forêt, de survie dans des conditions extrêmes. Dans cette période de liberté et de souffrance inouïes, c’est la présence du frère qui permet à chacun de ne pas mourir : de faim, de froid, d’épuisement.
Parce qu’au fond, le frère, l’alter ego, donne la meilleure raison de vivre, la plus forte et la plus évidente :
on vit pour que l’autre ne meure pas. Et pour ne pas mourir soi-même de solitude.
Cette superbe épure se complique quand les enfants reviennent à la vie sociale ; fin de la fusion des frères ; retour aux compromis. Qui j’aime le plus ? Le frère grâce à qui j’ai vécu, survécu, vaincu vingt fois la mort ? Ou ma femme, mes enfants, mon métier ?
Le film croise de manière poignantes ces deux questions que chacun un jour ou l’autre se pose : à quoi, à qui, je tiens vraiment ? Et qu’est-ce qui me tient ?
Pour tout adulte, l’enfance est un passé qui parfois ne passe pas. On reste bloqué-e à l’âge où l’on a vécu l’une ou l’autre des deux faces opposées de la même souffrance : l’amour qui manque ; l’amour qui dévore tout. Le film est une invitation à regarder lucidement ce passé qui nous fait ou nous défait.
Les deux frères représentent deux voies : l’un reste fidèle au passé mais accepte qu’une autre vie soit possible. L’autre vit sa fidélité au passé sur le mode de la répétition mortifère, sans évolution.
Et nous ? À quoi ressemble notre chemin ?
Boris Cyrulnik & Gérard Jorland, Résilience connaissances de base, Editions Odile Jacob, 7 mai 2012
Pennebaker, J. W. (1997). Writing about emotional experiences as a therapeutic process. Psychological Science, 8(3), 162–166.
Laura L. Wood & Dave Mowers, Dramatherapy and Recovery ; the CoActive Therapeutic Theatre Model and Manual, Rouledge edition, 29 février 2024
Kabat-Zinn, J. (2003). Mindfulness-based interventions in context: Past, present, and future. Clinical Psychology: Science and Practice, 10(2), 144–156