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Bienvenue, cher lecteur et chères lectrice, sur la newsletter de SPEAK EASY cru 2024.
Pour cette nouvelle année, nous avons changé le format en nous focalisant sur des thématiques spécifiques qui seront déployées au fil de chaque épisode.
L’objectif reste le même : amener le ou la lectrice à s’interroger.
Chaque épisode sera mensuel et indépendant l’un de l’autre.
Toutefois, les épisodes se suivent dans un ordre réfléchi car certains se recoupent nécessairement ; à chacun.e de se créer sa cohérence par rapport à ce qui fait écho en lui ou elle.
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Bonne lecture !
Question brûlante…
La fin d’année approche, les températures baissent et l’atmosphère hivernale s’installe tout doucement.
Alors, histoire de se réchauffer, ce huitième épisode tout juste sorti du four, s’attaque à une question brûlante : “qu'est-ce qu'être un bon psy ? ”
Il n’est pas ici, chers lecteurs et lectrices, question de hiérarchiser les différents professionnels ou de distribuer bons et mauvais points.
Il s’agit plutôt de présenter, de manière pédagogique, ce que les patients et futurs patients sont en droit d’attendre de chaque psychologue ou thérapeute avec qui ils s’engagent.
La question sous jacente porte donc sur les qualités intrinsèques qui constituent l’essence même du métier de soin.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons que chaque professionnel exerce avec sa propre singularité, rendant son accompagnement unique.
Il n’existe donc pas de savoir-faire unique, mais des milliers ; à chaque patient de trouver celui qui lui correspond pour créer l’alliance thérapeutique nécessaire.
L’éthique relationnelle
Mon argumentation va beaucoup s’appuyer sur les travaux d’Yves Lefebvre dans son ouvrage L’éthique relationnelle en psychothérapie.1
Les qualités intrinsèques nommées juste au-dessus sont le socle que forme l’éthique professionnelle des thérapeutes.
Mais quelles sont-elles au juste ?
Selon Yves Lefebvre, il existe 3 piliers indispensables sur lesquels le psychologue doit s’appuyer pour bâtir une alliance thérapeutique pérenne :
la présence
le souci
la responsabilité
Concentrons-nous aujourd’hui sur le premier d’entre eux : la Présence.
La présence
La présence du psychologue est primordiale pour instaurer un échange fluide, naturel et constructif avec le patient.
Le terme de présence, qui provient du latin prae sens, signifie être en avant de soi.
Le psychologue délaisse sa posture d’homme/femme autour de laquelle son attention tourne habituellement pour construire un espace de dialogue suffisant pour deux. Il n’y a plus une personne face à une autre mais deux entités faisant un tout.
Cette mise en avant de soi varie en fonction des obédiences de chaque professionnel.
Chez les psychanalystes, celle-ci est moins marquée. A l’inverse, le courant humaniste investit énormément cette présence et implication du thérapeute.
Cet exercice passe aussi par une absence totale de jugement à l’égard des dires du patient.
Trouver sa place
Pour que la relation reste équilibrée entre les deux individus chacun doit pouvoir trouver sa place et se sentir à l’aise de s’exprimer.
Le psychologue ne doit donc pas s’abriter derrière une posture moralisatrice d’expert ou de sachant mais à l’inverse être une figure de neutralité bienveillante.
Sigmund Freud aborde cette notion2 de neutralité qui est fondamentale pour comprendre sans influencer ou diriger le patient.
De plus, pour que l’unité entre le patient et le spécialiste fonctionne durablement, la présence s’accompagne obligatoirement d’une attention ou écoute exemplaire.
Attention sans faille
L’attention du thérapeute va bien au delà des propos du patient. La partie non verbale est également capitale. C’est ce qu’on nome le “body language”. Ce dernier regroupe l’ensemble des informations données de manière inconsciente au psychologue.
Il peut s’agir de :
posture, gestes
tics
signes ou regards
lapsus
émotions qui passent par le timbre changeant de la voix
Cette écoute doit être habilement orchestrée et nécessite un dosage subtil entre d’une part une attention trop forte qui étoufferait le patient et l’empêcherait d’être un acteur à part entière de l’échange et de l’autre une présence trop distante laissant l’interlocuteur seul face à ses propres difficultés.
Le souci
Après avoir évoqué le rôle de la Présence dans la réussite d’une thérapie, nous allons approfondir la deuxième grande caractéristique d’un psychothérapeute : le souci.
Dans la perspective psychologique, le terme de souci ne renvoie pas à la préoccupation que l’on utilise dans le langage courant. Si un praticien est bien évidemment soucieux de l’état de son patient, l’usage du terme souci revêt ici une dimension philosophique.
Le souci réfère à la mission qui habite le praticien et celle-ci est d’ordre existentielle :
il souhaite par la thérapie faire accéder au patient à son être véritable.
Accéder à son être véritable indique que l’individu s’est débarrassé de ses adversaires intérieurs qui peuvent avoir différentes formes :
pensées négatives ou limitantes
névroses,
peurs, blocages
angoisses, stress
traumatismes…
Reprendre le contrôle
Ainsi, le souci du psychologue n’est autre que de rendre à la personne son propre pouvoir sur sa propre existence.
Cela passe par se détacher des failles qui empêchent d’être pleinement soi-même.
Il établit un environnement propice à la guérison mais pousse son patient à devenir son propre thérapeute.
L’approche est donc sensiblement distincte de celle d’un médecin.
La Responsabilité
La responsabilité est la troisième et dernière grande qualité d’un thérapeute.
L’étymologie du mot « responsabilité » en latin est respondere qui signifie répondre.
Ainsi, le patient met le thérapeute devant sa première responsabilité : apporter des éléments de réponse.
La responsabilité du professionnel débute donc dès le moment où le patient expose la raison de sa venue. Le psy parcourt avec le patient différentes pistes de réflexion à travers le dialogue et l’échange afin de lui permettre de répondre à ses propres interrogations.
Répondre de
Si le psychologue apporte des réponses au patient il doit également répondre du patient.
Cela signifie qu’il doit être convaincu de la capacité de son patient à comprendre et accepter les nouveaux principes de réalité soulevés au cours de la thérapie.
Cette acceptation passe par une communication avec le patient pour lui faire prendre conscience de ses capacités et de son immense potentiel.
Conclusion
Enfin, l’ultime devoir du psychologue est de veiller à ce que la notion de responsabilité soit partagée avec le patient.
En effet, le patient doit devenir son propre thérapeute et être un acteur de sa thérapie.
Il apprend à agir et réfléchir par et pour lui-même.
Dans cette perspective, le patient devient responsable de la réussite ou non de son propre processus thérapeutique.
Yves Lefebvre, L'éthique relationnelle en psychothérapie: comment la relation peut devenir soignante, Enrick B. éditions, 2019.
Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse, Heller éditions, 1916.